Le samedi 29 novembre, l’élu chargé de l’alimentation et le chargé de mission SSA de la Ville de Grenoble étaient présents lors de l’après-midi portes ouvertes. Le discours d’Antoine Back
Le projet « La DALLE » de « Sécurité sociale de l’alimentation », fortement soutenu depuis cette année par la Ville de Grenoble, a pris forme dans un climat de confusion. Ce climat a résulté autant des divergences de vues et des rivalités d’expertise entre les organismes en mesure de porter concrètement un projet, que des changements de pied de la Ville qui a complètement rebattu les cartes à la fin de l’année 2024 en lançant un nouvel appel à projet.
Pendant l’été 2024, le choix de ne pas mettre en place une association collégiale, qui aurait permis de faciliter les délibérations et la coopération entre des organismes variés, de les représenter tous de manière équitable et pondérée, avait en outre rendu très peu probable l’émergence d’un projet fédérateur, original et innovant.
Début 2025, oYez avait publié une chronologie pour faciliter la compréhension de la succession d’événements : à retrouver ici.
Depuis le choix de la Ville de Grenoble d’attribuer à l’Union des mutuelles de France Savoie et à un collectif d’organismes qui avaient quitté à l’automne 2024 l’association GRAAL mise en place pour porter un projet SSA, le récit officiel est très lissé.
Il omet d’évoquer la confusion de l’automne 2024 et présente le rôle de la Ville de Grenoble comme un simple soutien à une « réussite », le temps que le projet gagne en autonomie financière. Il passe aussi sous silence le choix non démocratique de la douzaine de lieux, pré-sélectionnés, où les habitant(e)s peuvent utiliser leurs cartes de paiement ciblées.
Antoine Back, élu local chargé de l’alimentation, le 29 novembre 2025, au Bar Radis :
« Merci beaucoup pour votre invitation. C’était important pour moi d’être à vos côtés. Merci pour vos témoignages.
L’histoire de la Sécurité sociale de l’alimentation à Grenoble : beaucoup de gens y réfléchissent depuis longtemps, dans diverses strates.
Au niveau politique : en 2019.
En 2021 : un collectif a commencé à se monter.
Puis toutes sortes d’entretiens plus ou moins informels.
Et tout ce travail partenarial qui s’est engagé à la fin de l’année 2023 pour aboutir à cette journée, aujourd’hui, et le lancement dès cet été de la Caisse.
Les choses ne sont pas magiques. Elles se font parce qu’il y a des femmes et des hommes qui se mobilisent, qui coopèrent, qui s’engueulent parfois…, pour faire advenir des choses qui ont du sens pour toutes et tous.
C’est un travail collectif qui a demandé de la coopération entre des citoyennes et des citoyens, des structures de l’économie sociale et solidaire (des associations, des coopératives), mais aussi des institutions : la Ville de Grenoble. C’est une réussite qui nous appartient à toutes et tous.
Même si cette initiative est soutenue par la Ville de Grenoble, elle doit aussi construire son autonomie. C’est très important. Le projet de Sécurité sociale de l’alimentation est un projet qui se veut autonome : autonome dans ses moyens financiers, autonome dans ses décisions, dans sa gouvernance, dans sa trajectoire. C’est important que le comité citoyen amène cette indépendance d’esprit, cette trajectoire qui n’est absolument pas dictée par la Ville de Grenoble.
La Ville de Grenoble a une stratégie alimentaire. Si elle soutient cette initiative, c’est parce que nous avons une stratégie de soutien : aux distributeurs de l’économie sociale et solidaire, mais aussi à la production.
C’est très important que cette autonomie soit construite, pas seulement pour respecter l’esprit de la SSA, mais aussi pour être plus robuste face aux aléas qui peuvent arriver.
Les aléas politiques n’en sont qu’une partie.
Un petit mot sur l’agriculture.
La commune de Grenoble n’est absolument pas un terrain agricole, mais c’est un territoire qui dépend de la production agricole dans un pays et au-delà. Les géographes appellent cela l’hinterland, ce grand territoire tout autour des villes.
Il est important qu’il puisse y avoir des débouchés dans la ville et pas vers l’exportation. C’est très important pour réduire la vulnérabilité du territoire aux aléas.
C’est très important aussi pour faire vivre les personnes qui produisent, les productrices et les producteurs. Ce sont des femmes et des hommes qui ont mis leur sueur et leurs savoirs, leurs tripes, leur vie dans la production. Merci à eux pour leur engagement.
Un dernier mot sur la démocratie.
L’alimentation, dans le monde de la marchandise dans lequel nous vivons, est une marchandise.
C’est-à-dire que nous sommes libres (dans le sens des libéraux : la liberté du renard dans le poulailler) de choisir l’alimentation que nous voulons, mais cette liberté est conditionnée, conditionnelle même. Nous sommes en liberté conditionnelle de nous nourrir.
Cette grande difficulté que nous avons : nous sommes très inégales et inégaux devant l’alimentation. Le frein économique, déjà (on se rationne).
Il est très important de sortir l’alimentation du règne de la marchandise, du caractère fétichiste de la marchandise. Je reprends les mots de Marx (je fais mon sachant…) : la valeur décorrélée du travail des productrices et producteurs, et des impacts sociaux et environnementaux.
Ce que nous mangeons, c’est le fruit du travail des productrices et producteurs, et cela a un coût environnemental. Ce coût, il faut le réduire au minimum, pour faire de l’agriculture un facteur de régénérescence de notre environnement.
C’est tout le pari de la SSA : lier les estomacs, le travail et la nature, et le faire en démocratie ».
Une personne dans le public : « Et la santé ! »
Antoine Back : « Et la santé, tout à fait !
Pour sortir de la marchandise, on a besoin de la démocratie, des voix de celles et ceux qui mangent, de celles et ceux qui produisent, de celles et ceux qui distribuent, qui transforment.
C’est un lieu où on vient s’instruire collectivement, où on vient débattre collectivement, où on vient décider collectivement de ce qu’on mange et pourquoi on le mange.
L’alimentation, c’est politique.
J’ai envie de dire : merci à La DALLE, longue vie à La DALLE, au DALLE…»
Transcription améliorée à partir de l’enregistrement qui peut être écouté dans cet article.
