Comment les personnes qui ont un accès difficile, en quantité et en qualité, à des produits alimentaires s’en sortent-elles ? Une récente étude du Crédoc met en évidence leur débrouille et permet de relativiser la place de l’aide sous forme de colis de produits
Depuis 2020, le nombre de personnes qui ont recours à l’aide alimentaire sous forme de colis de produits a augmenté de 10 % chaque année. Les grandes associations caritatives et les Banques alimentaires qui fournissent les associations solidaires locales et les CCAS ne parviennent plus à collecter ou acheter les quantités nécessaires. C’est le cas de la Banque alimentaire de l’Isère qui organise sa collecte annuelle dans les magasins cette fin de semaine.
Dans ce contexte, les personnes en situation de précarité parviennent-elles à se nourrir ?
Une étude réalisée en 2022 par le Crédoc, et dont une synthèse (4 pages) des résultats a été publiée en septembre, apporte des informations importantes sur les manières dont les personnes en situation de précarité s’approvisionnent en denrées alimentaires et se nourrissent.
Que retenir de cette enquête ?
Seulement 15 % des personnes dans la précarité auraient recours à la distribution de colis de produits alimentaires.
Les autres manières de se procurer des aliments, et qui sont cumulées au cours d’un mois sont : aller dans une épicerie sociale, récupérer des invendus de supermarché, cuisiner des produits donnés par des proches, autoproduire dans un potager. Là réside la débrouille.
Plus de la moitié des personnes n’ont pas recours à une de ces aides hors commerce et vont au marché et dans les supermarchés (notamment discount). Elles y achètent les produits les moins chers.
Pour leur repas, elles réduisent les portions, voire sautent un repas.
Pourquoi ne vont-elles pas aux distributions de colis de produits ?
Pour un gros tiers : par honte. Pour un autre gros tiers : parce qu’elles n’ont pas droit à ces aides, car elles ne sont pas assez pauvres.
En résumé, selon les auteurs de l’étude : « Les personnes en situation de précarité alimentaire mettent en œuvre un vaste panel de systèmes de débrouille pour pallier l’insuffisance de leur approvisionnement, sans que cela ne permette nécessairement de leur assurer une quantité et une qualité satisfaisante de nourriture. Les conséquences sanitaires et sociales de cette dégradation en font une question politique de premier plan, dans un contexte inflationniste inédit depuis les années 1980 ».
À partir des résultats de cette étude, une des pistes politiques, et dignes, pourrait consister à mettre en place un système sécurisant pour prendre en charge tout ou partie des dépenses alimentation dans les lieux de vente existants, puisque plus de la moitié des personnes en précarité continuent d’y aller.
C’est ce que proposent les projets inspirés de la « sécurité sociale de l’alimentation ».