Le Bar Radis, nouvelle Maison de l’alimentation située sur un toit-terrasse à Grenoble, a ouvert il y a maintenant plus de sept mois. Le projet est encore en phase d’expérimentation. Zoom sur les points forts et sur les fragilités du restaurant, une des composantes du Bar Radis
Depuis le weekend de Pâques, la nouvelle carte printemps est proposée au restaurant du Bar Radis. Le soir, quatre plats, deux entrées et deux desserts au choix ; le midi, deux des plats du soir et le menu du jour, végétarien (voir les cartes dans le diaporama).
Tous les produits sont, dans la mesure du possible, locaux et issus de l’agriculture biologique. Les prix sont peu élevés : 17 euros le menu complet (entrée, plat et dessert) le midi, 25 euros le soir. L’un des buts du Bar Radis, ouvert à la mi-octobre 2022, est en effet de rendre plus facilement accessibles de nouvelles manières de produire et de se nourrir : plus locales, plus durables et plus saines.
Quel premier bilan, provisoire, tiré des sept premiers mois d’ouverture ?
Une cantine alternative pour les classes moyennes
La petite salle du restaurant donne sur un vaste potager. L’objectif à terme est que 15 et 20 % des produits soient cultivés sur place. mais, pour la plupart des plats, le Bar Radis ne peut pas encore proposer le circuit le plus court, du potager à l’assiette. Pour la première année de fonctionnement, le restaurant s’approvisionne essentiellement auprès de la plateforme Mangez bio Isère, qui regroupe une soixantaine de producteurs, ainsi que dans des magasins bio (Satoriz et Biocoop), et plus marginalement auprès de petits producteurs.
Seule Mangez bio Isère peut fournir, en quantité et en qualité, tous les produits nécessaires pour une semaine entière de fonctionnement, soit environ 400 kg livrés tous les lundis matins. En moyenne, le restaurant doit assurer 2000 couverts par mois.
Le premier point positif est en effet que les clients sont nombreux, notamment pour le déjeuner : entre 60 et 70 personnes pour le service de midi, du lundi au samedi. Le soir, entre 25 et 40 convives viennent dîner, du mercredi au samedi.
Les prix relativement bas, et surtout le très bon rapport qualité/quantité/prix des plats et menus proposés (comparativement aux autres restos bio) sont une des explications. Et cela a été dès le départ une des volontés des associés de l’entreprise Bar Radis (qui est une coopérative). Comme le rappelle César Lechémia, un des associés : “on s’est dit que, pour la première année, on voulait que l’entrée-plat-dessert soit à 25 euros maximum le soir. C’est une discussion qu’on a eue entre associés”.
Pour le déjeuner, le menu à 17 euros et les plats entre 11 et 15 euros ont permis de faire venir et de fidéliser des salarié.e.s de classes moyennes, qui travaillent dans le quartier et peuvent utiliser des tickets-restaurant. Près de 8000 personnes ont un emploi à proximité, dans un quartier qui compte peu de restaurants. Pour certains, le Bar Radis est devenu leur cantine et leur a permis de découvrir et d’apprécier d’autres manières de se nourrir.
C’est le deuxième grand point positif des premiers mois de fonctionnement : faire venir (et revenir) des personnes, plutôt issues des classes moyennes, qui découvrent la cuisine bio, locale et végétarienne, leur proposer une alternative et montrer “qu’on peut manger végé et bon”, comme le résume César Lechémia.
Comment mélanger tous les publics ?
Grâce à l’organisation de banquets solidaires, ainsi que d’ateliers de cuisine, des personnes en situation de précarité ont pu aussi venir découvrir le Bar Radis ces derniers mois. Pour autant, même s’il parvient à toucher des publics variés et différents, le Bar Radis n’est pas encore un lieu où se mélangent des personnes de toutes les conditions sociales, alors que c’est un des objectifs recherchés et affichés.
Comme l’explique Pascal Fouard, chef cuisinier, associé et co-gérant : “on veut montrer que par l’alimentation on peut toucher tous les publics, du plus pauvre au plus riche, sur tout un ensemble de problèmes en lien avec la société”.
La situation financière de la coopérative Bar Radis ne permet pas encore de financer de nombreux repas gratuits ou à prix réduit, ni des activités en accès libre en direction de tous les publics. Pour l’instant, l’entreprise n’est en effet pas encore rentable. Une fois les salarié.e.s payé.e.s, il n’est pas possible de financer des actions sociales et de rémunérer (ou très peu) les associés de la coopérative impliqués quotidiennement dans le fonctionnement du Bar Radis.
La carte de fidélité solidaire qui vient d’être lancée, afin d’offrir des repas gratuits aux plus précaires, fonctionnera surtout grâce à la solidarité entre les clients : un repas gratuit sera offert à une personne précaire après 10 repas d’un client fidèle.
La fragilité économique de l’entreprise Bar Radis n’explique pas à elle seule la difficulté à toucher et surtout à mélanger autour d’une même table ou d’activités culinaires les publics de toutes les conditions sociales. En France, cette question de la « mixité sociale », à partir du constat de son absence, se pose dans de nombreux secteurs : d’abord dans le logement, ainsi que dans l’enseignement et dans la culture.
Les associés de la coopérative ont tout à fait conscience du problème. Les différents publics se croisent, mais ne se mélangent pas. César Lechémia questionne : “ici, c’est de la mixité croisée. Comment faire pour que toutes les personnes se retrouvent au même moment ?”.
Comme l’ont montré certaines associations qui parviennent à brasser tous les publics, une des pistes à explorer et expérimenter est certainement de proposer des activités pratiques où les participants pourront s’impliquer en tant que « personnes », c’est-à-dire d’êtres humains uniques, complexes, riches de leurs expériences vécues et de leurs talents, êtres qui ne peuvent être réduits à leur situation de « précaires », de membres des « classes moyennes », ou de « bourgeois bohêmes ». Le domaine de l’alimentation s’y prête tout particulièrement.
Pour s’y rendre et réserver : https://lebarradis.fr/infos-pratiques/