zoom suraccès de toutes et tous à la qualité politiques

Où en est le projet de Sécu de l’alimentation à Grenoble ?

Le samedi 12 octobre 2024, une « assemblée citoyenne de l’alimentation » aura lieu dans l’immense halle du Grand marché des Alpes (ex-MIN), rue des alliés à Grenoble. Les organisateurs sont la Ville de Grenoble et l’association Aequitaz. Cette assemblée, ouverte aux habitantes et habitants de la commune, doit être l’occasion de présenter l’avancement du projet local inspiré d’une « Sécurité sociale de l’alimentation ». Rappels et avancées récentes

Depuis 2019, un ensemble d’organismes porte à l’échelle de la France le projet d’une « Sécurité sociale de l’alimentation ». En s’inspirant de « la Sécu » (comme on dit en France), et notamment des vingt premières années de sa mise en place (à partir de 1945-1946), le projet est de mettre en place des Caisses locales de Sécu qui prendraient en charge une partie des dépenses d’alimentation des habitantes et habitants.

Les principes des Caisses de sécu de l’alimentation

Concrètement, les Caisses locales de « Sécurité sociale de l’alimentation » pourraient percevoir des cotisations et distribuer, grâce au pot commun constitué, des allocations mensuelles aux personnes et familles ayant cotisé.
Grâce à ces prestations financières, certains produits alimentaires pourraient être pris en charge et remboursés, comme le sont les soins chez le médecin ou les médicaments à la pharmacie. Seuls les produits de certains commerces ou de certaines exploitations agricoles pourraient être pris en charge : ceux vendus par les magasins et les fermes qui ont été préalablement « conventionnés », comme le sont les médecins, les pharmaciens ou les établissements de santé.
Pour le conventionnement, des conseils locaux de l’alimentation seraient mis en place pour discuter et décider des lieux à conventionner, selon des critères que le conseil lui-même préciserait de manière démocratique (par des débats argumentés en assemblée) et après avoir pris le temps de s’informer sur la qualité des produits des commerces et des fermes. Ces conseils locaux de l’alimentation seraient composés essentiellement d’habitantes et habitants.
L’enjeu est que les mangeuses et mangeurs puissent décider eux-mêmes des critères de qualité des produits bons pour leur santé et la planète, en cohérence avec leurs cultures, leurs goûts, leurs âges et leurs lieux de résidence.

2022-2023 : premières concertations à Grenoble

À Grenoble, à ce jour, une Caisse locale de Sécu de l’alimentation n’est pas encore mise en place. Plusieurs avancées importantes ont cependant eu lieu au cours de l’année 2024. Une « initiative SSA » (SSA pour Sécurité sociale de l’alimentation) est en cours d’élaboration depuis le début de l’année.
Que s’est-il passé auparavant ?

Depuis début 2022, d’un côté, un groupe s’est constitué en lien avec le collectif d’organismes actifs à l’échelle de la France : le Groupe local SSA38 ; de l’autre, la Ville de Grenoble a commencé à communiquer sur son souhait de soutenir fortement un projet local inspiré de la Sécu de l’alimentation. Des contacts ont eu lieu entre les uns et les autres au cours de 2022, sans suites concrètes. Méfiances et défiances sont apparues ; interpellations citoyennes.
Puis en 2023, deux rencontres, en mars et en novembre, ont été organisées à l’initiative de la Ville de Grenoble, au Centre Camille-Claudel, pour que toutes les personnes et organismes soient réunis, discutent ensemble et réfléchissent grâce aux outils d’intelligence collective. Une cinquantaine de structures étaient présentes à ces rencontres : commerces en circuit court, fermes qui pratiquent la vente directe, associations solidaires, associations d’éducation populaire, associations du secteur caritatif, syndicats, mutuelles, chercheurs, citoyens.

À la suite de ces rencontres et d’une étude que la Ville de Grenoble a demandée à des cabinets de consultants, la Ville a pris la décision de mettre en place des groupes de travail afin de favoriser l’interconnaissance entre toutes les structures actives dans les domaines de l’agriculture locale et de l’alimentation, et de commencer à préciser le contenu concret de l’initiative SSA à Grenoble. Le but était aussi d’instaurer un climat de confiance, ou à tout le moins de dialogue serein, entre les représentants de la Ville de Grenoble (élu.e.s et salariées) et toutes ces structures.

Les groupes de travail de 2024

À partir du début de l’année 2024 et jusqu’au mois de mai, trois groupes de travail ont été constitués et actifs. Leurs travaux et propositions ont été présentés au cours d’une assemblée qui a eu lieu le 30 mai 2024 et qui a regroupé les structures (une trentaine) de tous les groupes ainsi que des organismes actifs dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation non industrielles (au total une cinquantaine de structures).
Quels étaient les thèmes de chaque groupe de travail ?

Un groupe a travaillé à la préparation de « l’assemblée citoyenne de l’alimentation » qui a lieu le 12 octobre. Coordonné par l’association Aequitaz (une association d’éducation populaire active nationalement) et par la Ville de Grenoble, il a d’une part réfléchi aux différentes manières de mobiliser et d’informer les Grenobloises et Grenoblois sur la « Sécurité sociale de l’alimentation ». D’autre part, il a imaginé les différents moments et la scénographie de l’assemblée du 12 octobre dans l’immense halle du Grand marché des Alpes.

Un autre groupe a réuni des structures des secteurs de la production (agricole et boulangère, essentiellement) et de la vente (des commerces de produits locaux, pour la plupart).
Ils ont réfléchi ensemble aux modalités concrètes de fonctionnement des structures qui seraient conventionnées et dans lesquelles des habitantes et habitants pourraient venir faire leurs courses.
Leurs questionnements : les logiciels qu’ils utilisent seront-ils compatibles avec ceux utilisés par la Caisse locale SSA ? Pourront-ils répondre à une hausse de la demande de produits locaux ? Les fermes de la région de Grenoble pourront-elles produire, fournir ou vendre directement les produits demandés ?

Un troisième groupe a eu pour mission de réfléchir à « la mécanique de la Caisse », c’est-à-dire : autant aux aspects les plus concrets du fonctionnement d’une Caisse de sécu spécialisée dans l’alimentation, qu’aux nouveaux circuits financiers à imaginer et mettre en place afin qu’une Caisse prenne en charge une partie de l’alimentation des habitantes et habitants d’un territoire géographique.
Plusieurs options ont été imaginées : les unes pour amorcer une phase de test en s’appuyant sur les nombreux points de vente directe des fermes et les commerces en circuit court existants à Grenoble ; les autres, plus prospectives, pour transformer les filières agricoles existantes et le système local alimentaire.
En commun accord, un système de tiers payant a été proposé afin que la Caisse SSA rembourse directement les structures conventionnées et que les clients n’aient pas à faire l’avance de la valeur de leurs courses alimentaires. Ils pourraient ainsi utiliser vraiment leur carte d’affiliés SSA comme la Carte vitale de la Sécu maladie, c’est-à-dire une carte de droits et non une carte d’achat.

À l’issue des réflexions des groupes de travail, l’initiative SSA dans la commune de Grenoble a commencé à prendre forme, sans qu’un modèle précis et concret ne soit encore élaboré.

La fondation d’une association pour porter la Caisse

À partir du mois de juillet 2024, les différents organismes actifs dans les trois groupes de travail ont entrepris de se concerter pour mettre en place une association loi 1901 destinée à devenir la structure porteuse d’une Caisse locale de Sécu de l’alimentation.
Malgré les nombreuses séances de discussion dans les groupes de travail et les temps d’interconnaissance au cours du premier semestre 2024, cette phase a été difficile à mener, en raison de désaccords profonds sur le type d’association à mettre en place et sur son objet précis. De nombreuses « rivalités d’expertise » (pour reprendre la formule très pertinente de chercheurs qui ont observé et analysé les milieux nature-environnement-écologie à Grenoble) sont apparues.

Finalement, l’assemblée constitutive de l’association Grenoble Alimentation et Agriculture Locales (soit GRAAL : la publication au Journal officiel) s’est tenue le 13 septembre dernier.
Elle va avoir pour objet de mettre en place toutes les conditions humaines, organisationnelles et financières pour qu’une Caisse locale de sécu de l’alimentation existe, fonctionne et se développe dans la commune de Grenoble, avec le soutien de la Ville de Grenoble, les cotisations des habitantes et habitants, et les aides de futurs partenaires. Sa mission ne va pas être de finaliser l’élaboration du modèle grenoblois de Caisse commune locale inspirée de la « Sécurité sociale de l’alimentation » : ce sera au Conseil local de l’alimentation (dont le petit nom précis n’est pas encore connu), encore à mettre en place, de travailler démocratiquement aux principes concrets de fonctionnement de la Caisse de Sécu grenobloise (dont il faut aussi encore trouver l’intitulé).
À suivre…

Les précédents articles sur cette question :
– présentation des grands principes d’une SSA : ici ;
– la situation à Grenoble, en mars 2023 et en octobre 2023 ;
– l’adoption d’une délibération au Conseil municipal, en février 2024.

Nota Bene : j’ai participé à titre personnel au groupe de travail sur la « mécanique de la caisse ». Ni oYez ! ni moi-même ne sommes impliqués dans la nouvelle association GRAAL.

Photo : pommes, kiwis, noix bio et locaux (vergers à Vourey), en vente directe à Grenoble, à prix modérés. Si, grâce à un système SSA, toutes les habitantes et tous les habitants pouvaient avoir accès à ce type de produits et en manger tous les jours (plutôt que de consommer des fruits avec pesticides, des jus de fruits industriels et autres sodas hypersucrés), tout le monde s’en porterait mieux.

A propos de l'auteur

Anne Veitl